
Malik TEFFAHI-RICHARD
mardi 4 février 2025
Tal Coat, un peintre breton
sur les pas de Cezanne
Peintre français de premier plan, Pierre Tal-Coat s'est réfugier à Aix dans les années 40 et 50. Il y partagea avec Cezanne le même regard sensible sur Sainte Victoire. La galerie du Département lui consacre une grande exposition jusqu'au 20 avril.
L‘exposition Tal Coat, l’image est présence qui vient d’ouvrir à la galerie départementale 21 bis, Mirabeau marque le début ales expositions liées à Cezanne en cette année 2025 consacrée Eau “père de l’art moderne”. Une petite centaine d’œuvres sur papier, de toiles et de carnets, a été prêtée par la galerie parisienne Berthet-Attouarès, permettant pour la première fois à Aix d’embrasser toute la carrière (de Tal Coat, figure majeure de l’histoire de l’art du XXe dont on célèbre le 120ème anniversaire et le 40ème de la mort.
Au fil de cette exposition chronologique très réussie, on découvre ses premières expérimentations des années 1920-1930 autour de la figure humaine jusqu’à ses recherches quasi abstraites des années 1960-1980, en passant par sa fameuse période aixoise, qui lui a déjà valu des expositions dans la galerie et au musée Granet.
Tout au long de sa vie, le style du peintre s’affine, touche à une forme d’épure et de quintessence. Fils de marin pêcheur breton, Pierre Jacob dit Tal Coat (‘front de bois” en breton) est d’abord clerc de notaire, apprenti forgeron puis mouleur-décorateur de faïence avant d’apprendre en autodidacte à dessiner les paysages et personnages bretons. L’exposition révèle son talent précoce avec ses premiers dessins de 1925: “On voit déjà qu’il a un geste très assuré, influencé par Gauguin et Emile Bernard présents en Bretagne”, présente le commissaire Marc Donnadieu. Il se forme ensuite à Paris et y rencontre des peintres et écrivains de premier plan “comme André Marchand, Gertrude Stem, Francis Picabia, Hemingway, Giacometti, Antoine Artaud ou Tristan Tzara”. Un grand autoportrait lumineux de 1935, ainsi que d’étonnantes figures de saltimbanques et de troublants charniers, peints et dessinés en 1936 en pleine guerre civile espagnole, comme une prémonition du Guernica de Picasso et des extermina rions nazies à venir, témoignent de l’inspiration bouillonnante du peintre.
Un héritier de Cezanne
Démobilisé en 1940, Tal Coat gagne Aix avec son ami André Marchand. Il s’y imprègne de la beauté de Sainte Victoire, reprend la palette de Cezanne, et pousse la quête de “la vérité du paysage” du maître à son paroxysme. “Nous croyons appréhender le monde, nous ne sommes que visités par lui”, écrit-il. li s’installe au Château Noir où Cezanne peignait, en 1943 et y reste jusqu'en 1956. "Un jour sa femme se baigne sous une cascade, et il va avoir une illumination : il se dit qu'il doit peindre la sensation du paysage, pas le paysage lui-même", explique Marc Donnadieu.

La galerie du Département 21, bis Mirabeau expose gratuitement "Tal Coat, l'image est émergence", jusqu'au 20 avril.
photo Cyril Sollier
Il abandonne alors la figuration, marche inlassablement, et peint notamment les trois fulgurantes Sainte Victoire de l'exposition : "Tal Coat amplifie la volonté de Cezanne de peindre l'air entre les choses, en peignant les creux, les failles entre les rochers, les cours des rivières, les ravinements faits par le temps dans le paysage...", explique le commissaire. La suite de sa quête est à l’avenant. Expérimentant lacis d’encre de Chine et épaisseurs de la matière, allant jusqu’à reproduire ‘les sensations de sa main sur l’écorce d’un arbre”.
En Normandie, il peint le poudroiement jaune des champs de colza avant de tendre vers des aplats colorés éclatants, visibles dans une série de petits formats. À la fin de sa vie, endeuillé, malade et ne pouvant plus aller au paysage, Tal Coat revient à l’autoportrait : “On voit que petit à petit, les traits s’effacent, comme s’il voulait disparaitre de la vie, à l’intérieur de la peinture même...’ Un bel avant-goût de l'année Cezanne qui démarre officiellement ce mardi 4 février avec l'ouverture de "La petite galerie Cezanne" à la Manufacture, pour les 3 à 12 ans, qui peuvent y expérimenter l'œuvre du maître à l'hauteur d'enfant.
Malik TEFFAHI-RICHARD